Les cascades de Skradin dans le parc naturel de Krka atteignent 46 mètres de hauteur.
Escapade sur la côte Dalmate Croate
À deux heures d’avion de Paris, sur la côte adriatique croate, Split et ses environs offrent une belle architecture, notamment religieuse, une nature préservée et une cuisine savoureuse.
Ce dimanche, la petite église Notre-Dame de Visovac est pleine. Pourtant, sur l’îlot où elle se dresse derrière un rideau de peupliers et de cyprès, au milieu du lac formé à cet endroit par la rivière Krka, ne vivent d’habitude que les moines franciscains du monastère Notre-Dame de la Miséricorde.
Implantés ici depuis qu’ils ont fui en 1440 la Bosnie occupée par les Ottomans, ils y maintiennent, depuis, une présence active et accueillent parfois des novices.
Les participants à la messe sont venus des villages environnants en bateau. Tout à l’heure, ils retraverseront les mêmes eaux turquoise pour rentrer chez eux. Pour l’heure, prières et chants manifestent la ferveur des toujours très catholiques Croates.
À la sortie de la messe, ces villageois croiseront les innombrables touristes qui viennent quotidiennement visiter Visovac, respirer la quiétude de ses jardins et l’odeur des grenadiers et des figuiers débordants, en cette fin d’été, de fruits mûrs.
AMBIANCE MÉDITERRANÉENNE
Que l’on soit croyant ou pas, l’ambiance, prenante, de cet îlot rend encore plus séduisante une escapade sur la côte dalmate que l’on s’offrira de préférence à l’automne ou au printemps. Une fois arrivé à Split, la seconde ville de Croatie avec ses 220 000 habitants – c’est un site industriel et un port très actif en même temps qu’une cité chargée d’histoire –, on longera la côte, on se baignera dans les petites anses aux eaux transparentes où l’on achètera éponges naturelles et petits bijoux en corail, on cheminera dans le parc naturel de Krka pour découvrir ses étonnantes cascades – celles de Skradin comptent pas moins de 17 gradins d’une hauteur totale de 46 mètres –, puis on se promènera– en voiture, à pied ou à vélo – dans les collines sèches au milieu des oliviers, des figuiers, des vignes.
L’ambiance est méditerranéenne. On est dans les Balkans, pourtant. Bien des mémoires, ici, restent marquées par les bombardements, par les nombreuses destructions d’églises et les affrontements meurtriers entre Serbes et Croates de 1991 à 1995, après l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.
Mais beaucoup de jeunes, rassurés par l’entrée dans l’Union européenne, manifestent une envie folle de tourner la page et de vivre. « Maintenant, la Croatie est indépendante, il faut regarder devant soi ! », tranche Anita, à Split.
Les touristes qui affluent, changent aussi l’ambiance de ces bourgs et apportent à leurs habitants qui se lancent dans les fermes-auberges, chambres d’hôtes, gîtes, etc., un réel mieux-vivre. Car, en Croatie, le salaire mensuel minimum tourne seulement autour de 400 €, le salaire moyen autour de 700 €.
Prenons le hameau de Jurlinovi Dvori, à deux pas de la presqu’île rocheuse sur laquelle est juchée Primošten. Don Stipe Perkoy, par ailleurs responsable de la communication de l’évêché de Šibenik, et sa famille y accueillent plus de 10 000 visiteurs par an. Et servent de 2 000 à 3 000 repas.
À tous ils font visiter une émouvante chapelle et des maisons en pierre qui témoignent de la rude vie d’autrefois en même temps que des malheurs qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, les ont frappés comme tant d’autres (1).
UN AGRITOURISME FAMILIAL
Leur agritourisme familial donne du travail à dix personnes. Mais les oliveraies et surtout le petit vignoble de Don Stipe témoignent toujours de la ténacité nécessaire pour subsister ici : les 1 000 ceps sont plantés au milieu des rochers. Ils donnent, bon an mal an, 500 bouteilles d’un vin rouge réputé, le Babic. Et quelques-unes de Prošek, le vin doux local.
À cheminer ainsi, on découvre aussi combien la Dalmatie a été marquée par ses conquérants successifs. Entre le Xe et le VIIe siècle av. J.-C., des bergers nomades, les Illyriens, venant de l’actuelle Albanie, se sont installés sur les collines, donnant à cette région le nom de l’une de leur tribu, les Delmati.
Au IVe siècle, les Grecs ont colonisé les îles puis, à partir du IIe siècle av. J.-C., ce sera le tour des Romains. Ce n’est qu’au VIIe siècle après J.-C. que sont arrivés les Croates, Slaves venus du nord-est européen. Au IXe siècle, leur roi s’est fait baptiser, les constructions d’églises ont débuté.
L’architecture reflète ces influences multiples. Prenons Trogir et son lacis de ruelles blanches pavées, dernière colonie fièrement érigée sur un îlot par les Grecs : c’est un vrai musée à ciel ouvert, avec sa cathédrale Saint-Laurent, classée par l’Unesco, son monastère dominicain et son monastère bénédictin.
Prenons aussi Šibenik, jadis industrielle, désormais vouée au tourisme avec sa somptueuse cathédrale Saint-Jacques, dentelle de pierre blanche également protégée par l’Unesco, qui illustre la fusion réussie de l’art gothique et de la Renaissance.
SPLIT, ENTRE VENISE ET VIENNE
Prenons enfin Split. La ville s’est établie à l’intérieur, puis autour de l’immense palais – toujours visible – que l’empereur Dioclétien s’y était fait construire, au ras des flots, entre 294 et 305. Cet Illyrien qui s’était hissé à la tête de l’Empire à l’issue d’une brillante carrière dans l’armée romaine, y a fini ses jours après avoir abdiqué en 305.
Par la suite, une partie du palais a hébergé des maisons puis la ville médiévale. Le mausolée de Dioclétien, lui, a été transformé en église – d’où sa forme et ses dimensions inhabituelles – et un clocher a été ajouté.
Enfin, la ville a été conquise par la République de Venise. En témoignent des palais somptueux de style gothique vénitien et une place au nom à consonance italienne, piazza, sur laquelle se dresse aussi un superbe immeuble de style sécession viennoise. Signe qu’on est également dans laMitteleuropa.
Des hauteurs, la vue est splendide sur cette ville construite à l’abri d’une petite anse au cœur d’une longue presqu’île. En face, les îles de Brac, de Hvar facilement accessibles en bateau. Partout, on sera accueilli chaleureusement et on dégustera d’excellents poissons et calamars grillés parfumés à l’huile d’olive. Bon appétit !
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En pratique
Y aller : Croatia Airlines propose des vols hebdomadaires directs, les lundi, mercredi et samedi jusqu’au 24 octobre (à partir de 195 €, aller-retour en octobre). L’hiver, il existe des vols via Zagreb. Site : www.croatiaairlines.com
S’informer : office de tourisme de Croatie, www.croatie.hr. On trouve des hôtels à tous les prix. Et aussi des hébergements chez l’habitant à prix modéré.
Parc naturel de Krka. Site : www.np-krka.hr
Pour en savoir plus sur le hameau du P. Stipe Perkoy, consulter le site www.jurlinovidvori.org
PAULA BOYER, à Visovac, Primošten, Šibenik, Trogir, Split
Source : la Croix