Histoire

croatie histoire 1

Histoire de la Croatie

395 – Partage de l’Empire Romain par l’empereur Théodose.

Début du VIIe s. – Venus du Nord-Est, les Croates s’installent sur les terres de l’ancien Illyricum romain (Illyrie) à l’ouest de la ligne de Théodose, dans les contrées croates et bosniaques actuelles, entre Drave et Adriatique. Ils sont les premiers slaves christianisés et intégrés dans la civilisation et la sphère culturelle romaine.

VIIIe-IXe s. – Les Croates fondent trois banats (duchés) : la Croatie blanche, la Croatie rouge et la Croatie panonnienne, à la tête desquels se trouvent des bans, notamment Vojnomir, Ljudevit, Borna, Trpimir [845-864] (Dux Croatorum) et Branimir [879-892].

Xe-XIe s. – Réunifiant ces territoires, Tomislav se proclame roi et fonde en 925 un puissant royaume que renforcera plus tard Pierre Kresimir IV [1058-1074]. La mort de son successeur, Zvonimir [1075-1089], annonce le déclin prochain de la dynastie nationale croate des Trpimirovici. A cette même époque, Rome accorde aux Croates le privilège unique d’employer dans la liturgie leur propre langue, écrite alors en caractères glagolitiques.

Unis à la couronne hongroise

1102 – Soumis partiellement par la Hongrie, les nobles croates obtiennent de celle-ci la signature d’un traité (Pacta Conventa) qui associe la Croatie à la couronne de saint Etienne par une « union personnelle », grâce à laquelle elle sera gouvernée par un ban (vice-roi), en conservant son Sabor (diète) et son armée. L’union des deux royaumes subsistera jusqu’en 1918.

1137 – Les seigneurs de Bosnie (Rama) s’associent à leur tour au royaume de Hongrie-Croatie dont le souverain porte désormais aussi le titre de « Rex Ramae ».

1202 – Détournant à leur profit la IVe croisade, les Vénitiens s’emparent de Zadar, la plus importante ville côtière de Dalmatie supérieure. Dès 1205, la ville libre de Dubrovnik reconnaît la suzeraineté de Venise.

1222 – La « bulle d’or » d’Andrija II réduit l’absolutisme royal à l’égard de la noblesse croate et hongroise.

1242 – Bela IV, roi de Hongrie et de Croatie, accorde à Zagreb le statut de « ville royale libre ».

1301 – Charles Robert d’Anjou accède au trône de Hongrie et de Croatie.

1358 – La paix de Zadar qui scelle la défaite des Vénitiens face à Louis d’Anjou, roi de Hongrie-Croatie, marque la réunification de la Dalmatie à la couronne croate au sein du royaume commun, ainsi que la reconnaissance de la suzeraineté hungaro-croate par la République de Raguse (Dubrovnik).

1377 – La province de Bosnie s’émancipe définitivement de la tutelle hungaro-croate et devient un royaume indépendant sous la dynastie des Kotromanic, lequel englobe alors la majeure partie de la Dalmatie.

1397 – « Sabor sanglant de Krizevci » où Sigismond fit massacrer, après son retour inopiné, plusieurs seigneurs croates qui lui étaient hostiles afin de se venger de leur « trahison ». Après une longue disparition à la bataille de Nicopolis contre les Turcs, les Croates avaient en effet élu Ladislas de Naples pour lui succéder sur le trône de Hongrie-Croatie.

1409 – Affaibli par des luttes dynastiques, Ladislas le Magnanime de Hongrie cède la Dalmatie croate à la République de Venise pour 100 000 sequins.

1463 – Les Ottomans s’emparent de la Bosnie pratiquement sans livrer bataille et, en 1482, c’est au tour de l’Herzégovine de succomber.

1483 – Moins de trente ans après la Bible de Gutenberg, le premier missel en caractères glagolitiques croates est imprimé à Senj.

1493 – Après la Bosnie et l’Herzégovine voisines, les Turcs attaquent et peu à peu conquièrent de vastes territoires croates. La bataille de Krbava, véritable « Azincourt croate » où périt la fleur de la noblesse croate, marque le début de l’amputation par les Ottomans de près de la moitié de la Croatie, suivie de l’islamisation de la population locale (tout particulièrement dans la région dite de la « Croatie turque », c’est-à-dire le territoire situé entre les rivières Una et Vrbas).

1526 – La victoire des Turcs à Mohàcs leur ouvre la porte de la Hongrie dont ils occuperont une grande partie. Bien qu’ils soumettent Buda, ils ne réussiront cependant jamais à atteindre Zagreb.

Habsbourg, Vénitiens et Ottomans

1527 – Réuni à Cetin après que la dynastie magyare fut décapitée à Mohàcs (1526), le Sabor (diète croate) désigne Ferdinand de Habsbourg pour suzerain, sans pour autant révoquer les Pacta Conventa. Débute alors l’ère habsbourgeoise des pays de la Croatie continentale, tandis que la Dalmatie demeure vénitienne. Pendant ce temps, les armées turques poursuivent leur progression et prennent, en 1537, la forteresse de Klis, porte continentale juchée sur les hauteurs de Split.

1566 – L’héroïque et désespérée défense de la place forte de Siget par Nikola Subic Zrinski face à l’armada ottomane, commandée par Soliman le Magnifique, parvient à la détourner de sa marche sur Vienne.

1573 – Les jacqueries paysannes du nord de la Croatie sont étouffées dans le sang et le meneur de la révolte, Matija Gubec, est brûlé vif.

1593 – Victoire à Sisak contre les Turcs. À cette époque la Croatie est réduite aux « Reliquiæ reliquiarum » (les restes des restes du jadis glorieux royaume croate), c’est-à-dire au tiers de sa superficie actuelle, à l’ouest d’une ligne Karlobag-Karlovac-Virovitica.

1615 – Guerre austro-vénitienne dite « guerre des Uskoks », du nom des guerriers croates protégés par Vienne qui, fuyant la conquête turque, se sont installés à Senj en 1537. Les raids qu’ils lançaient, d’abord contre les Ottomans puis sept décennies durant, contre la flotte commerçante vénitienne, furent la principale cause du conflit. En concluant la « paix des Uskoks » en 1617, à Madrid, les Habsbourg s’engagent à les disperser dans l’intérieur des terres.

1618-1648 – Lors de la guerre de Trente Ans, des régiments de cavaliers croates servent dans l’armée royale de Louis XIII et de Louis XIV. Ils seront par la même occasion à l’origine de l’engouement de la Cour de Versailles pour la cravate, accessoire original de leur uniforme, qui connaîtra par la suite un succès inespéré.

1630 – Codification par Vienne des droits et devoirs (Statuta Valachorum) des habitants, pour la plupart des Valaques orthodoxes, des Confins militaires (ou Croatie militaire). Cette étroite bande de territoire croate à vocation défensive, en bordure de l’Empire ottoman, est placée directement sous l’autorité de l’Empereur d’Autriche. Toutefois ces peuplades de nomades qui s’y sont installées en nombre sont, au fil des siècles, en majeure partie serbisées, notamment sous l’action énergique de l’Église orthodoxe serbe. Les Confins Militaires ne seront abolis qu’en 1881, après la disparition de la menace turque, et leur territoire réintégré au royaume de Croatie et rattaché à sa juridiction.

1664-1669 – Correspondance secrète entre le ban de Croatie (Nicolas Zrinski puis son frère Pierre Zrinski) et les diplomates français en poste à Venise et à Vienne. Projet d’insurrection anti-Habsbourg en Croatie et en Hongrie. Demandes d’un soutien militaire français.

1671 – Exécution près de Vienne de deux illustres nobles croates, Petar Zrinski et Fran Krsto Frankopan, protagonistes infortunés d’une insurrection avortée visant à soustraire les terres croates à l’absolutisme impérial. La restriction de la juridiction du Sabor à la Croatie civile (excluant les Confins militaires), est à l’origine de cette conspiration anti-autrichienne. La noblesse croate soutiendra que cela, tout comme la paix désastreuse de Vasvár (1664) avec les Turcs, constitue une violation de l’accord par lequel le Sabor confia en 1527 la couronne croate aux Habsbourg.

1699 – Après l’échec du siège de Vienne en 1683, les grandes victoires des armées impériales sur les Turcs permettent à la Croatie de recouvrer ses terres orientales (Slavonie) jusqu’à Zemun (Sirmie), au confluent de la Save dans le Danube (traité de Karlowitz). La majeure partie de l’actuel tracé frontalier croato-bosnien, confirmé en 1739 (traité de Belgrade), remonte à cette époque.

1706 – Le baron Joseph Vojnovic, agent du prince hongrois Rakoczy, tente vainement de soulever la Croatie contre le Habsbourg et sollicite un appui militaire français.

1712 – Soulignant encore son autonomie vis-à-vis de la Hongrie, le Sabor adopte la Pragmatique sanction autorisant, en cas d’absence d’héritier masculin, la descendance féminine de la maison royale des Habsbourg à monter sur le trône croate.

1718 – Paix de Passarowitz (1718). Pour éviter d’avoir une frontière commune avec les Vénitiens, les patriciens ragusains cèdent à l’Empire ottoman les territoires de Herceg Novi et de Neum, ce dernier constituant aujourd’hui l’accès de la Bosnie-Herzégovine à la mer.

1797 – Après la disparition de la Sérénissime République, le traité de Campoformio octroie la Dalmatie et l’Istrie, vénitiennes depuis 1409, à l’empire d’Autriche, dans le cadre du royaume Triunitaire de Croatie-Slavonie-Dalmatie.

1809 – Les territoires au sud de la Save, soit la moitié méridionale de la Croatie, sont intégrés dans les « Provinces Illyriennes » de Napoléon [1809-1813] dont l’établissement marque la fin de la République de Raguse (Dubrovnik). De nombreux régiments croates se distinguent par leurs faits d’armes en participant aux campagnes militaires de la Grande armée.

1815 – A la suite du Congrès de Vienne où est dépecé l’empire napoléonien, la Dalmatie, l’Istrie et les autres territoires « illyriens » retournent aux Habsbourg.

1830 – Début du renouveau culturel et politique croate [1830-1848] amorcé par Ljudevit Gaj. Ce mouvement, connu également sous le nom de « mouvement illyrien », aurait directement bénéficié de la présence française dans les Provinces Illyriennes, laquelle contribua à la large diffusion des idées révolutionnaires.

1832 – Le comte Janko Draskovic réclame dans sa Dissertation la réunification de tous les territoires croates, la constitution d’un gouvernement autonome et l’adoption de la langue croate comme langue officielle. Ce premier programme politique, rédigé dans le dialecte stokavien de la langue croate, servira par la suite de base lors de la standardisation de la langue littéraire croate.

1848 – Les Habsbourg s’appuient sur le ban de Croatie, Josip Jelacic, pour écraser la révolution hongroise. Figure éminente du mouvement national croate, il revendiquera par la suite l’unification politique de tous les territoires croates de l’Empire et abolira le servage. Après des siècles d’usage du latin, le croate devient la langue officielle au Sabor.

1851 – Afin de modérer les aspirations révolutionnaires, l’empereur François-Joseph Ier de Habsbourg suspend l’ordre constitutionnel et établit une administration absolutiste qu’il confie au chancelier Bach. Celui-ci met en place une représentation impériale qui se substitue en Croatie à l’autorité du ban, supprime les privilèges de la noblesse et abolit les provinces historiques. En 1860, devant l’échec de « l’absolutisme de Bach », l’empereur rétablit l’ordre ancien.

1861 – Création du Parti du droit d’Ante Starcevic dont le programme prône la réunification et l’indépendance à l’égard de Vienne de tous les « territoires croates », Bosnie comprise.

1866 – L’évêque croate de Djakovo, Josip J. Strossmayer, élabore le premier programme d’unification des Slaves du Sud de la Monarchie sous l’appellation, alors inédite, de « yougo-slave » (sud-slave) et fonde à Zagreb l’Académie croate qu’il baptise Académie yougoslave des sciences et des arts.

1867 – L’accord austro-hongrois rééquilibre le rôle de la Hongrie au sein de l’empire d’Autriche en donnant naissance à la Double Monarchie d’Autriche-Hongrie.

1868 – Dès l’année suivante, craignant pour son autonomie, la Croatie obtient la conclusion de la Nagodba (accord hungaro-croate) par laquelle est réaffirmé son statut particulier vis-à-vis de Budapest, dans le cadre du royaume de Hongrie-Croatie.

1870 – Le premier congrès « yougoslave » se tient à Ljubljana.

1871 – Échec de l’insurrection de Rakovica, non loin de Plitvice, menée par Eugen Kvaternik dans l’intention de provoquer un soulèvement populaire dans les Confins militaires.

1878 – Congrès de Berlin. L’Auriche-Hongrie occupe la Bosnie-Herzégovine après l’insurrection croate d’Herzégovine.

1881 – Les Confins militaires sont abolis : après deux siècles et demi de séparation, Croatie militaire et Croatie civile sont de nouveau réunifiées.

1903 – Tandis que la crise du dualisme secoue l’Autriche-Hongrie, les hommes politiques croates Ante Trumbic et Frano Supilo lancent le « Nouveau cap ». A la place de la politique comptant sur l’appui de l’Autriche face à la Hongrie, l’opposition croate engage alors des consultations avec l’opposition magyare et les partis serbes en Croatie.

1904 – Les frères Radic créent le Parti populaire paysan croate, rebaptisé Parti paysan républicain croate en 1918, avant de finalement devenir, en 1925, le Parti paysan croate (HSS).

1905 – La coalition croato-serbe (HSK) réunissant plusieurs partis politiques croates et serbes de Croatie milite pour l’union et l’autonomie de tous les Slaves du Sud de la Monarchie (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Voïvodine). Elle remportera les élections de 1906.

1908 – L’Auriche-Hongrie annexe la Bosnie-Herzégovine et contrarie du même coup les visées expansionnistes de la Serbie à l’égard de cette province.

1914 – L’attentat de Sarajevo, perpétré contre le prince héritier François-Ferdinand par le jeune nationaliste serbe Gavrilo Princip, déclenche la Première Guerre mondiale.

1915 – Une vingtaine d’hommes politiques slovènes, croates et serbes en exil fondent le Comité yougoslave en vue de la création d’un État yougoslave commun. En échange de son ralliement à l’Entente, l’Italie se voit promettre par les Alliés tout le littoral croate (Convention secrète de Londres).

1918 – Le 29 octobre, le Sabor proclame l’indépendance du Royaume Triunitaire de Croatie-Slavonie-Dalmatie, lequel rallie l’éphémère « L’Etat des Slovènes, des Croates et des Serbes ». Il se donne Zagreb pour capitale et rassemble les territoires sud-slaves de l’Autriche-Hongrie moribonde (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Voïvodine).

Le 1er décembre, cet État s’unit, sans ratification par le Sabor, aux royaumes de Serbie et du Monténégro sous le sceptre de la dynastie serbe des Karageorgevic.
Le nouvel Etat ainsi constitué prend le nom de « Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes ». Le chef du parti paysan républicain, Stjepan Radic, s’y oppose alors avec véhémence.
La contestation populaire manifestée en Croatie est matée par l’intervention brutale des troupes serbes. Le nouvel État centralisé à Belgrade n’arrivera jamais à concilier les traditions politiques croates et serbes, par trop divergentes, liées sans doute à l’héritage austro-hongrois et centre-européen, d’une part, et les traditions ottomanes et balkaniques, d’autre part. Débute alors une période de répression et d’hégémonie serbe.

1919 – Le poète pro-fasciste Gabrielle d’Annunzio y pénètre le 11 septembre à la tête de ses légionnaires et s’empare du port croate de Rijeka (Fiume), objet de revendications irrédentistes italiennes.

1920 – Par le traité de Rapallo, l’Italie obtient d’importants territoires croates (Istrie, Zadar et ses environs, les îles de Cres, Losinj et Lastovo). Rijeka est proclamée ville libre, mais sera annexée par Mussolini en 1924 à la suite du pacte de Rome. Elle ne redeviendra croate qu’en mai 1945, au sein de la Yougoslavie titiste.

1921 – La nouvelle Constitution centralisatrice découpe l’État en unités administratives qui bafouent les frontières des entités historiques, constitutives du Royaume. Instigateurs du mouvement « yougoslave » qu’ils voulaient égalitaire, les Croates estiment trahie leur vision de l’État commun. Ce ressentiment est renforcé par la politique de terreur et de brimades dont ils sont systématiquement l’objet. Stjepan Radic, chef charismatique du parti paysan républicain, qui rassemble la grande majorité des Croates autour de ses thèses républicaines et fédéralistes, entame une lutte acharnée contre le centralisme serbe.
Le leader serbe de Croatie, S. Pribicevic, lui-même naguère partisan du centralisme radical, finira à son tour par le rejoindre en 1927.

1922 – Se fondant sur les engagements pris dans les Quatorze Points de Wilson, Radic adresse à la SDN un mémorandum par lequel il réclame son soutien pour l’établissement d’une Croatie indépendante.

1925 – Rassemblant le parti radical serbe et le parti paysan croate, un éphémère gouvernement de coalition est formé dans le cadre duquel Radic, depuis peu sorti de prison, obtient le portefeuille secondaire de ministre de l’Éducation.

1928 – Le 20 juin, un élu du Parti Radical serbe, Punisa Racic, tire en pleine séance du Parlement de Belgrade sur les députés croates. Stjepan Radic, figure emblématique de la résistance à l’hégémonie grand-serbe se trouve parmi les victimes. Il succombera peu après à ses blessures.

1929 – Le 6 janvier, le roi Alexandre suspend la constitution et proclame la dictature. L’État prend désormais le nom de « Royaume de Yougoslavie ».

1934 – Assassinat à Marseille du roi Alexandre de Yougoslavie par un membre de l’ORIM (Organisation révolutionnaire intérieure de Macédoine) de connivence avec le mouvement révolutionnaire Oustacha [Insurgé] créé deux ans auparavant par Ante Pavelic, dont les quelques centaines de membres sont exilés dans des camps d’entraînement en Italie et en Hongrie.

1938 – Le parti paysan, dirigé par Macek, est plébiscité aux législatives en Croatie et prend part à la constitution du gouvernement yougoslave.

1939 – Malgré l’extrême opposition des milieux grand-serbes, l’accord Cvetkovic-Macek donne naissance au sein du royaume yougoslave à la « Banovine de Croatie » à la tête de laquelle se trouve un ban. Celle-ci jouit d’une très large autonomie et rassemble toutes les provinces croates excepté l’Istrie, alors italienne, et englobe également les territoires de population croate en Bosnie-Herzégovine.

1941-1945 – A la suite de la remise en question du Pacte tripartite signé par le régent Paul, l’Allemagne attaque la Yougoslavie le 6 avril et l’envahit en quelques jours. Les troupes serbes de l’armée royale qui n’opposent pratiquement aucune résistance perpètrent cependant après la débâcle les premiers massacres, notamment à l’encontre de populations musulmanes et croates en Bosnie-Herzégovine. Après le refus de Macek de diriger un État croate satellite de l’Allemagne, les puissances de l’Axe installent le 10 avril à Zagreb un « État indépendant de Croatie » et placent à sa tête Ante Pavelic, le leader du mouvement Oustacha. Cet État, partagé en zones d’occupation allemande et italienne, comprend toute la Bosnie, mais cède à l’Italie la majeure partie de la Dalmatie et l’Istrie. Le Sabor, non consulté, est dissous.

La Yougoslavie démembrée est le théâtre d’une sanglante guerre qui sur fond de conflit mondial oppose collaborateurs et résistants locaux, mais également les tenants d’intérêts nationaux particuliers. A la politique de terreur menée par Pavelic, notamment à l’égard des Serbes et des opposants (Juifs, Croates), fait écho celle pratiquée à l’encontre des Croates et des musulmans bosniaques par les tchetniks royalistes serbes de Mihajlovic, également alliés de l’Axe, et par les unités fascistes serbes du Zbor de Ljotic. Les Partisans yougoslaves de Tito, qui les combattent, bénéficient quant à eux du soutien grandissant des Alliés.

Face aux quelque 60 000 oustachis sur lesquels s’appuie le régime de Pavelic, la résistance croate s’organise dès l’insurrection armée du 22 juin 1941 qui marque le début d’un mouvement dont l’ampleur croissante supplantera, dès 1943, l’effectif militaire oustachi. Les Partisans croates comptent alors plus de 100 000 hommes et disposent de leur propre état-major, le ZAVNOH, incarnant la « Croatie libre », dirigé par l’écrivain Vladimir Nazor, dans le cadre du Conseil populaire antifasciste de libération yougoslave (AVNOJ) instauré en 1942.

Sur l’ensemble du territoire yougoslave, on dénombre alors quelque 300 000 Partisans, principalement regroupés en Croatie, Bosnie-Herzégovine et Slovénie, répartis en 26 divisions : 11 croates, 7 bosniaques, 5 slovènes, 2 serbes et 1 monténégrine.

Après l’entrée de l’Armée rouge à Belgrade en octobre 1944 et la dislocation des forces tchetniks, le mouvement des Partisans prend également de l’ampleur en Serbie, jusqu’alors protectorat allemand administré par le général et collaborateur serbe, Milan Nedic. Durant la guerre, un événement de portée militaire limitée mais singulier à bien des égards se déroule le 17 septembre 1943, à Villefranche-de-Rouergue : la « révolte des Croates », mutinerie contre les nazis des unités croato-bosniaques enrôlées de force et stationnées dans le sud de la France occupée.

Le bilan humain de quatre années de guerre est lourd. La guerre civile entre partisans communistes, tchetniks serbes, oustachas croates et bosniaques, les combats contre l’occupant allemand et italien, causèrent la mort de 1 million de personnes, dont près de la moitié de Serbes et un tiers de Croates. Ce bilan comprend, outre les victimes de guerre, civils et militaires, d’une part les victimes des camps de concentration, notamment le camp oustachi de Jasenovac où périrent, selon les estimations, entre 50 000 et 100 000 Serbes, Juifs, Tziganes et Croates ; d’autre part, les dizaines de milliers de civils et de militaires croates fuyant en mai 1945 l’instauration d’un régime communiste et massacrés à Bleiburg (Autriche) par les unités serbes des Partisans yougoslaves sont les principales victimes de la Libération.

La Croatie dans la fédération yougoslave communiste

1945 – La République populaire de Croatie devient l’une des six composantes de la nouvelle Yougoslavie, dirigée par le communiste d’origine croate Josip Broz, dit Tito.

1946 – Proclamation de la République Populaire Fédérative de Yougoslavie (RPFY). Procès stalinien du cardinal Stepinac, défenseur des Juifs durant l’occupation et ardent opposant à Pavelic, mais partisan de l’indépendance de l’église catholique croate vis-à-vis du PC dirigé par Tito.

1948 – Rupture Tito-Staline. La même année, Andrija Hebrang, résistant et leader communiste croate limogé après la guerre par Tito, meurt en détention à Belgrade de manière suspecte. Favorable dès 1937 à l’établissement d’une Croatie communiste indépendante, Hebrang était devenu gênant dès 1944, notamment car il prônait alors un rapprochement avec le parti paysan et défendait l’identité croate face au centralisme de Belgrade.

1950 – Début l’expérience autogestionnaire.

1956 – Signature à Brijuni (Croatie) de la déclaration des Non-alignés par Tito, Nehru et Nasser.

1963 – La RFPY devient la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie (RFSY), et la République populaire de Croatie cède la place à la République socialiste de Croatie.

1966 – Paradoxalement, alors que la Serbie joue de plus en plus un rôle dominant dans les structures fédérales yougoslaves, Aleksandar Rankovic, l’impitoyable patron des services secrets et chef de file des partisans de l’hégémonie serbe, est limogé par Tito. Il aura été le principal maître d’œuvre de deux décennies d’implacable répression face à toute manifestation identitaire croate au sein de la Yougoslavie fédérale.

La fin des années 60 correspond également à un certain assouplissement de l’activité anti-croate de la redoutable UDB-a, la police politique yougoslave, responsable de très nombreux assassinats de dissidents croates exilés pour la plupart dans les pays occidentaux. Outre la difficile situation économique résultant de l’expérience autogestionnaire, ce climat contribue fortement à l’importante vague d’émigration croate (représentant 70 % du contingent émigré yougoslave) vers les pays occidentaux, où vivent désormais plus d’un tiers des Croates.

1967 – Déclaration sur l’identité propre de la « langue littéraire croate » et renouveau de l’activité culturelle en Croatie.

1971 – A la suite de grèves générales des étudiants et des ouvriers croates réclamant davantage de libertés, Tito limoge la direction communiste croate (Dabcevic-Kucar et Tripalo) en raison de ses élans réformateurs et brise brutalement le mouvement du « Printemps croate ». De nombreux intellectuels, étudiants ou journalistes sont emprisonnés, victimes de purges massives. Parmi eux, Budisa, Djodan, Gotovac, Mesic, Tudjman, Veselica, mais aussi Dabcevic-Kucar et Tripalo, figures les plus éminentes de la contestation, lesquelles reviendront vingt ans plus tard sur le devant de la scène politique, lorsque la Croatie accédera à l’indépendance.

1974 – Adoption d’une nouvelle constitution fédérale qui accorde davantage d’autonomie aux républiques fédérées. Dans son préambule, elle réaffirme notamment leurs droits issus de la Libération et en premier lieu celui à « l’autodétermination jusqu’à la sécession ».

1980 – Mort le 4 mai de Josip Broz, dit Tito, fondateur de la deuxième Yougoslavie, fédérale et communiste. Une présidence collégiale à rotation annuelle est mise en place, permettant à chaque entité fédérée d’accéder à la tête de l’État.

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La croisade grand-serbe de Milosevic

1986 – Rédaction du « Mémorandum » de l’Académie serbe des Sciences et des Arts dans la droite lignée des programmes expansionnistes grand-serbes, tels « Nacertanije » [le Plan] (Garasanin, 1844), « Jusqu’à l’extermination » (Stojanovic, 1902), « l’expulsion des Arnaoutes » (Cubrilovic, 1937) ou « la Serbie homogène » (Moljevic, 1941). Véritable texte programmatique de l’hégémonie serbe, il servira de base théorique à l’action politique belliciste du leader serbe, Slobodan Milosevic, qui parviendra au pouvoir l’année suivante. Il porte en germe les causes de la dislocation yougoslave et de l’agression armée serbe. Alors que les Serbes ne représentent que 36 % de la population, le Mémorandum prône le contrôle des deux tiers de la Yougoslavie par la Serbie. Or même dans de telles frontières, les Serbes ne constitueraient toujours pas la majorité de la population.

1988/89 – Par un véritable putsch, Milosevic abolit l’autonomie du Kosovo et de la Voïvodine et place ses partisans à la tête du Monténégro. Le bloc serbe, qu’il dirige, paralyse ainsi le fonctionnement de la présidence collégiale yougoslave en contrôlant la moitié des huit représentants. Dans le même temps, il orchestre une campagne nationaliste d’une extrême violence, laquelle vise principalement la Slovénie et la Croatie.

1990 – Refusant le diktat de Milosevic, les délégués slovènes et leurs homologues croates, emmenés par Ivica Racan, claquent la porte du XIVe congrès de la Ligue communiste yougoslave au mois de janvier. En avril et mai, les premières élections législatives libres tenues en Croatie depuis l’entre-deux-guerres voient la défaite du PC et la victoire du HDZ (centre-droit) de Franjo Tudjman. Ancien général de Tito entré en dissidence depuis les années 1960, il est élu le 30 mai Président de la République par le Sabor, désormais restauré et pluraliste.

A la mi-août, des groupes séparatistes serbes, soutenus et armés par Belgrade et bénéficiant de l’appui logistique des unités de l’armée yougoslave stationnées sur place, coupent la Croatie en deux, en dressant des barricades dans les environs de Knin ainsi que dans d’autres régions où la minorité serbe (12 % de la population de la Croatie en 1991) est majoritaire ou simplement importante.
Dès septembre, ils proclament « l’autonomie » des territoires qu’ils contrôlent en Croatie et commettent les premiers actes de terrorisme. Le 22 décembre, le Sabor adopte la nouvelle Constitution croate qui, à l’instar de celle de la République socialiste de Croatie, prévoit également la possibilité de recourir à l’indépendance.

1991 – Or dès le 28 février, les extrémistes serbes de Croatie proclament l’indépendance de la « Krajina », ces poches de territoire croates dont ils ont pris le contrôle par la force (20 % du territoire). Le lendemain leur première victime, un policier croate, est tué dans une fusillade à Plitvice. Un mois plus tard, le 2 mai, 12 policiers croates, tombés dans une embuscade tendue par les extrémistes serbes à Borovo selo, sont affreusement mutilés. Lorsque la présidence yougoslave tournante échoit le 15 mai au délégué croate, Stjepan Mesic, le bloc serbe s’y oppose violemment, provoquant ainsi une crise institutionnelle servant de prétexte pour s’arroger le contrôle de l’armée fédérale, déjà presque totalement acquise aux thèses grand-serbes (les trois-quarts des officiers étant eux-mêmes serbes ou monténégrins). Dans ce contexte extrêmement tendu, entre l’option serbe représentant la perspective menaçante d’une Yougoslavie encore plus centralisée, c’est naturellement l’option confédérale prônée par la Croatie et la Slovénie et prévoyant le cas échéant l’indépendance totale du pays, qui recueille, le 19 mai, plus de 94 % des suffrages au référendum en Croatie.

Face à l’escalade de la violence et à la multiplication des attaques meurtrières des extrémistes serbes épaulés par l’armée yougoslave, la Slovénie et la Croatie déclarent le 25 juin – en vertu de leur droit à l’autodétermination garanti par la Constitution yougoslave – leur « dissociation » d’avec l’État yougoslave, phase transitoire avant l’indépendance effective. La Croatie adopte alors une déclaration de souveraineté. Le 27 juin, l’armée « serbo-yougoslave » intervient brutalement contre la Slovénie et deux semaines plus tard contre la Croatie. Le 7 juillet, un moratoire de trois mois sur les mesures de « dissociation » slovènes et croates est imposé par la Communauté européenne ; le bloc serbe est contraint d’accepter Stjepan Mesic à la tête de la Présidence yougoslave. L’armée restera cependant fidèle à Milosevic et Mesic ne disposera d’aucun pouvoir réel.

Confrontées à la détérioration de la situation en Croatie, les Nations unies imposent le 25 septembre un embargo sur les armes pour l’ensemble du territoire yougoslave ce qui, en fait, pénalise uniquement les victimes de l’agression serbe.
Le 7 octobre à l’expiration du moratoire, Milosevic envoie des Mig « fédéraux » bombarder le palais présidentiel à Zagreb. Les présidents croate et yougoslave, Franjo Tudjman et Stjepan Mesic, ainsi que le Premier ministre fédéral, Ante Markovic, qui s’y trouvent alors, réchappent de peu à l’attentat. Et tandis que le quart du territoire croate est déjà occupé par l’armée yougoslave et les milices serbes, le Sabor proclame le lendemain, 8 octobre, l’indépendance de la Croatie, rendant ainsi exécutoire les déclarations adoptées le 25 juin.

La marine yougoslave instaure un blocus naval et bombarde violemment les ports croates ; dans le même temps une véritable guerre s’étend sur mille kilomètres de front où les forces serbes mènent, à l’aide de l’artillerie, des chars et des chasseurs bombardiers, des attaques de grande envergure et d’une extrême violence contre les villes croates, notamment Osijek, Vinkovci, Zupanja, Brod, Pakrac, Sisak, Karlovac, Rijeka, Otocac, Gospic, Zadar, Sibenik, Sinj, Split, Ploce et Dubrovnik. Par surcroît, les unités fédérales embastillées dans les casernes sur l’ensemble du territoire croate libre (Zagreb, Varazdin, Bjelovar, etc.) participent également à cette guerre, où leur supériorité en armes lourdes est écrasante face à une armée croate encore embryonnaire et mal équipée.
Début novembre, les troupes serbo-monténégrines entament des bombardements massifs contre Dubrovnik, ville-musée et perle de l’Adriatique. Le 18 novembre, après trois mois d’un siège terrible, écrasée sous un déluge de feu de 300 000 obus, la ville baroque de Vukovar, sur les rives du Danube, est réduite en cendres. Le « Stalingrad croate » est investie par les milices serbes et l’armée fédérale. Ses habitants sont déportés, des centaines d’autres exécutés, notamment les 200 blessés de l’hôpital, ensevelis dans le charnier d’Ovcara. Le bilan humain de six mois d’agression serbe en Croatie s’élève à près de 13 000 morts, 40 000 blessés et des centaines de milliers de personnes déplacées, à quoi il faut ajouter les considérables dommages matériels.

Le 29 novembre, la Commission d’arbitrage présidée par Robert Badinter entérine la disparition de la fédération titiste en confirmant que la Yougoslavie est « engagée dans un processus de dissolution ».

Alors que, Slovénie mise à part, la Lituanie, la Lettonie et l’Ukraine ont d’ores et déjà reconnu la Croatie, la Communauté européenne invite, le 16 décembre, toutes les Républiques yougoslaves à déclarer avant le 23 décembre si « elles souhaitent être reconnues en tant qu’Etats indépendants » et s’engage à ne pas reconnaître « des entités qui seraient le résultat d’une agression », allusion explicite à la « Krajina » des séparatistes serbes.

1992 – Le 3 janvier, un 16e cessez-le-feu prend effet : l’armée yougoslave ayant atteint ses objectifs, celui-ci sera enfin respecté. Le 7 janvier, la chasse serbe abat en Croatie un hélicoptère de la CEE ayant à son bord cinq observateurs européens dont un Français. Le 15, suivis d’une trentaine d’autre pays, les Douze reconnaîssent l’indépendance de la Croatie. Le 7 février, le HDZ est le grand vainqueur des élections à la Chambre haute du Sabor (Chambre des Comitats). Le 21 février, la résolution 743 instaure la FORPRONU (Force de Protection des Nations-Unies) forte de 14 000 hommes qui doivent être déployés dans les zones occupées en Croatie, jusqu’à l’aboutissement d’un règlement négocié. Le 7 avril, les États-Unis reconnaissent la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ; cette dernière est reconnue le même jour par la Croatie qui est admise le 22 mai à l’ONU.
La Croatie participe à Albertville ’92 à ses premiers Jeux olympiques, en tant que pays indépendant, et remporte dès Barcelone ’92 ses premières médailles, dont une médaille d’argent en basket-ball après une défaite en finale contre la dream team américaine. Dans la Bosnie-Herzégovine voisine, indépendante depuis le 1er mars, où les Serbes ne représentent pourtant que 31 % de la population, les milices et l’armée serbo-yougoslave lancent une guerre totale au cours de laquelle ils s’emparent, en à peine quatre mois, de plus de 70 % du territoire. La capitale, Sarajevo, est soumise à un siège impitoyable. Des centaines de milliers d’habitants non-serbes, Bosniaques et Croates, sont expulsés de chez eux et plus de 100 000 sont tués en quelques mois. Les deux tiers de la population cherchent alors refuge dans la portion congrue du territoire encore défendue par les Bosniaques et les Croates de Bosnie (Bosnie centrale et Herzégovine).

Près d’un demi-million de réfugiés de Bosnie seront également accueillis en Croatie où, sur une population de 4,5 millions d’habitants, on compte déjà plusieurs centaines de milliers de déplacés croates, chassés en 1991 par les Serbes. Le 21 juillet et le 23 septembre, Zagreb et Sarajevo signent deux accords prévoyant leur coopération militaire face à l’agression serbe. De fait, la Croatie constituera durant toute la guerre l’unique voie de ravitaillement en armes de la Bosnie.
Pour autant les Croates de Bosnie-Herzégovine parviennent, mieux que les Bosniaques qui sont alors pris de court, à faire face à l’armée serbe au début du conflit en instaurant un Conseil croate de défense (HVO), et réussissent ainsi à préserver une grande partie des territoires où ils constituent la majorité de la population, notamment dans le Sud (Herzégovine). Il s’avérera bien plus tard, en 1995, que la résistance aux Serbes de ce « dernier carré » croate, en dépit du conflit qui les opposera un temps aux Bosniaques, aura alors permis à la Bosnie d’échapper à l’occupation totale, et rendra possible la reconquête de 1995. Les forces serbes tireront cependant longtemps profit du déploiement de la FORPRONU en Croatie en s’en servant comme d’un bouclier assurant leurs arrières tandis qu’ils maintiennent la Bosnie dans leur étau.

Après l’indépendance de toutes les autres républiques (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Macédoine), la Serbie et le Monténégro créent, le 27 avril, une fédération commune, la République Fédérale de « Yougoslavie », Etat-croupion qui est aujourd’hui loin de rassembler tous les Slaves du Sud.
En tant qu’un des cinq Etats successeurs et malgré la revendication de l’appellation « Yougoslavie », il ne sera pas autorisé à hériter le siège de l’ancienne Yougoslavie dans les instances internationales, et ne deviendra officiellement membre de l’ONU qu’en 2000, après le départ de Milosevic. Le 4 juillet la Commission d’Arbitrage Badinter déclare « que le processus de dissolution de la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie […] est arrivé à son terme et qu’il faut constater que la RSFY n’existe plus ».

Le 2 août, le HDZ remporte les élections législatives et Franjo Tudjman est réélu président de la République pour cinq ans. Dans le même temps, le monde découvre l’horreur des camps de concentration serbes en Bosnie où périront des milliers de prisonniers bosniaques et croates.

1993 – Face à l’enlisement des négociations visant à aboutir à une solution politique au conflit et décidées à désenclaver la Dalmatie isolée depuis 1991, les autorités croates déclenchent avec succès le 22 janvier l’opération « Maslenica » dans l’arrière pays de Zadar.
En Bosnie, les premiers plans de paix internationaux, tous fondés sur un partage territorial, se font alors jour. Mais tous tendent peu ou prou à entériner les importantes conquêtes serbes sur le terrain, confortant ainsi l’idée selon laquelle seul le fait accompli sera in fine reconnu. Conciliants, les Croates y sont plutôt favorables, les Bosniaques, en revanche, globalement hostiles. L’alliance jusque-là observée entre Bosniaques et Croates de Bosnie-Herzégovine face à la supériorité écrasante des Serbes vole en éclat et le conflit prend une dimension nouvelle. Les tensions nées de l’afflux massif de réfugiés en Bosnie centrale, auquel s’ajoutent des divergences politiques quant à l’avenir de la Bosnie, exacerbent les passions jusqu’au conflit armé qu’avivent alors atrocités et opérations de nettoyage ethnique.

Les forces bosniaques assiègent alors les enclaves croates de Bosnie centrale tandis que Mostar-est devient pour sa part la cible des attaques des forces croates de Bosnie (HVO). Aux 200 000 victimes provoquées au total par l’agression serbe, viennent désormais s’ajouter les quelque 4 000 morts de cette « guerre dans la guerre ».
La Croatie continue pour sa part à accueillir les réfugiés Croates et Bosniaques. Le 25 mai 1993, le conseil de sécurité de l’ONU instaure un Tribunal pénal international, établi à La Haye, chargé de juger les crimes de guerre commis sur le territoire de l’ancienne Yougoslavie.

1994 – Afin de mettre un terme au conflit croato-bosniaque et rétablir leur alliance rompue depuis près d’un an, la Croatie conclut le 18 mars, à Washington, un accord avec les représentants bosniaques et croates de Bosnie-Herzégovine prévoyant la mise en place d’une Fédération croato-bosniaque en Bosnie-Herzégovine. Cet accord prévoit aussi l’instauration d’un état-major unifié associant l’armée bosniaque et le HVO. Cette nouvelle donne qui rééquilibre les rapports de forces sur le terrain, constituera un tournant majeur en Bosnie, où les extrémistes serbes de Radovan Karadzic contrôlent alors toujours plus de 70 % du territoire. En se rendant à Zagreb, les 10 et 11 septembre, Jean-Paul II devient le premier pape des temps modernes à fouler le sol croate. Première action conjointe après le rétablissement de l’alliance militaire croato-bosniaque, l’opération menée le 3 novembre contre les forces serbes sur le stratégique plateau de Kupres en Bosnie centrale marque une étape décisive et facilitera par la suite le ravitaillement de la région.
Le 21 novembre, l’OTAN mène un raid aérien contre l’aéroport croate d’Udbina aux mains des milices serbes, qui s’en servaient jusqu’alors pour mener leurs attaques contre la zone de sécurité de Bihac, en Bosnie.

La victoire militaire croate et le retour de la paix

1995 – Le 6 mars, un accord de coopération militaire croato-bosniaque est conclu. Le 31 mars, le mandat de la FORPRONU, qui englobe jusqu’alors l’ensemble des missions de paix en ex-Yougoslavie, est redéfini pour la Croatie (rés. 981) où la force internationale devient l’ONURC – « Opération des Nations-Unies pour la Restauration de la Confiance en Croatie ». Pour enrayer l’escalade de la violence déclenchée par les extrémistes serbes de la région de Pakrac, Zagreb lance le 1er mai l’opération « Éclair » : en 36 heures, toute la Slavonie occidentale est libérée, ce qui désenclave en même temps tout l’est du pays. Le leader séparatiste serbe, Milan Martic, ordonne en représailles un bombardement à la roquette meurtrier sur le centre-ville de Zagreb.
Après la détérioration brutale de la situation en Bosnie (prise en otage des casques bleus par les Serbes, massacres de dix mille Bosniaques à Srebrenica et à Zepa), la Croatie et la Bosnie-Herzégovine signent à Split, le 22 juillet, un accord renforçant encore leur coopération militaire et réclamant l’aide militaire de la Croatie pour secourir l’enclave de Bihac, attaquée par les Serbes. Devant l’échec de la voie diplomatique, le gouvernement croate lance le 4 août, l’opération « Tempête », de loin la plus importante depuis le début du conflit : en moins de quatre jours, la Croatie reprend ainsi contrôle de la majeure partie de ses territoires occupés en 1991 (Dalmatie septentrionale, Lika, Kordun et Banovina).

Le 5 août à midi, Knin, fief depuis août 1990 de la rébellion armée serbe, est libéré par les forces croates. Malgré les appels exhortant la population serbe de ces territoires à ne pas quitter la Croatie, 90 000 civils répondent à l’ordre d’évacuation des paramilitaires serbes, qui les utiliseront comme boucliers humains pour protéger l’évacuation de leur armement lourd vers la Bosnie.
Dans le même temps, l’opération « Tempête » met fin au calvaire des 230 000 Bosniaques assiégés à Bihac où, après 1201 jours d’enclavement, cette « Zone de sécurité de l’ONU » pourtant pilonnée par les Serbes est sur le point d’être prise, risquant de subir alors le même sort que Srebrenica, un mois auparavant. La Slavonie orientale, 4,5 % du territoire national, demeure quant à elle encore occupée.

L’OTAN déclenche fin août l’opération « Force délibérée » contre les Serbes de Bosnie, qui sont finalement acculés à la table des négociations par les succès conjoints des forces croates et bosniaques, qui parviennent à reprendre contrôle début octobre de plus de la moitié de la Bosnie. Craignant de perdre le résultat de quatre années de conquêtes en Bosnie, Milosevic cède et se rend début novembre à Dayton où il négocie à huis clos, trois semaines durant, avec les présidents croate et bosniaque, Franjo Tudjman et Alija Izetbegovic, un accord de paix général qui mettra un terme à cinq années de guerre. La communauté internationale impose toutefois aux parties une condition : le partage territorial de la Bosnie devra accorder 51 % du territoire à la Fédération croato-bosniaque, et 49 % à la République serbe.
Après 20 jours de discussions, les négociations semblent néanmoins marquer le pas. In fine, les importantes concessions territoriales faites par la partie croate en Bosnie occidentale permettront de déboucher sur un accord en contraignant Milosevic à faire un geste envers les Bosniaques. En contrepartie celui-ci accepta de lever le siège de Sarajevo, encerclée depuis quatre ans par les Serbes, et de désenclaver Tuzla, ce qui ouvrit la voie à un accord de paix global. Les accords de Dayton-Paris, conclus le 21 novembre, sont officiellement signés au palais de l’Élysée le 14 décembre.

En marge de ces négociations un accord est conclu à Erdut (13 novembre) prévoyant la réintégration pacifique de la Slavonie orientale dans le giron de Zagreb, dans un délai d’un an, renouvelable une fois. Une mission de paix, l’ATNUSO (Administration transitoire des Nations unies en Slavonie orientale) y est mise en place, mettant ainsi un terme à la guerre en Croatie.
Au total, en cinq ans, l’agression serbe aura causé près de 15 000 morts et 50 000 blessés, tandis que les dommages directs et indirects pour l’économie sont évalués à quelque 37 milliards de dollars.

Le 9 novembre, le TPI inculpe les officiers supérieurs serbes Mrksic, Radic et Sljivancanin de crimes de guerre pour les atrocités commises à Vukovar. En 2001, ils n’avaient toujours pas été livrés par Belgrade.

1996 – Le 1er avril, le général croate de Bosnie, Tihomir Blaskic, accusé par le TPI de crimes de guerre, se rend de son plein gré à la Haye. Après quatre années de procès, il sera condamné à 45 ans d’emprisonnement. Le 9 septembre, la Croatie et la RFY (Serbie-Monténégro) établissent des relations diplomatiques. Le 16 octobre, la Croatie devient le 40e membre du Conseil de l’Europe. Le 3 décembre, le président Tudjman se rend à Vukovar pour la première fois depuis la guerre.

1997 – Le 13 avril, les élections pour la Chambre des Comitats du Sabor (chambre haute) se déroulent pour la première fois sur l’ensemble du territoire croate, Slavonie orientale comprise. le HDZ remporte le scrutin dans 19 des 21 comitats. Le 15 juin Franjo Tudjman est réélu une seconde fois président de la République pour cinq ans. Le 6 octobre, dix Croates de Bosnie accusés par le TPI de crimes de guerre se rendent volontairement à La Haye.

1998 – Succès conjoint de l’ATNUSO et des autorités croates dans les délais impartis : moins de sept ans après le siège de Vukovar, la réintégration pacifique et définitive de la Slavonie orientale (4,5 % du territoire) marque, pour la première fois depuis l’indépendance, le recouvrement effectif de la souveraineté croate sur l’ensemble du territoire national. Cette même année, symbolique à bien des égards, six ans seulement après son indépendance, la Croatie parvient à se hisser à la 3e place du podium de la Coupe du monde de football, en France, après sa défaite contre la France et sa victoire sur les Pays-Bas. Le 3 octobre, le pape Jean Paul II se rend pour la seconde fois en Croatie, à Split, à l’occasion de la béatification du cardinal Alozije Stepinac.

1999 – En raison du nettoyage ethnique anti-albanais mené à grande échelle par la Serbie au Kosovo, l’OTAN déclenche au printemps la « guerre du Kosovo », lançant de massives représailles aériennes contre la Serbie. Le gouvernement croate apporte alors son soutien politique et logistique aux opérations de l’Alliance atlantique, en lui mettant notamment à disposition son espace aérien. Milosevic est inculpé pour crimes contre l’humanité par le TPI. En juin, la Croatie participe à l’inauguration du Pacte de Stabilité pour l’Europe du sud-est. Deux ans avant l’expiration de son mandat présidentiel, le premier président croate, Franjo Tudjman, décède le 10 décembre des suites d’un cancer.

« L’après-Tudjman »

2000 – Le 3 janvier, constituant la première alternance politique depuis l’indépendance, les législatives, premier scrutin national de l’an 2000, sont remportées haut la main, avec plus de 56 % des suffrages, par la coalition d’opposition rassemblant six partis autour des forces réformistes de centre-gauche (sociaux-démocrates du SDP et sociaux-libéraux du HSLS), contre moins de 27 % des suffrages au HDZ sortant.
Au nombre des thèmes électoraux qui les ont portés au pouvoir : une orientation résolument pro-européenne, un programme anti-corruption, une démocratisation accélérée ainsi que la diminution des prérogatives du chef de l’État au profit du gouvernement et du parlement. Ivica Racan, président des sociaux-démocrates, est nommé Premier ministre.

Le 7 février, alors que deux candidats d’opposition se retrouvent en lice au second tour de scrutin, c’est Stipe Mesic, candidat du modeste HNS (parti populaire), qui remporte les présidentielles avec 56 % des voix, contre Drazen Budisa, président des sociaux-libéraux, pourtant parti favori un mois auparavant, après la victoire du tandem HSLS-SDP aux législatives.

Signe concret de l’écho favorable qu’ont rencontrés auprès des chancelleries occidentales les gages donnés par les nouvelles autorités croates, la France accueille le nouveau président croate en visite officielle les 11 et 12 mai.
Dès la fin mai, l’Union européenne donne son feu vert pour engager les négociations sur l’Accord de stabilisation et d’association (ASA) tandis que la Croatie est admise dans le Partenariat pour la Paix, premier pas vers l’adhésion à l’OTAN. En juillet, elle est admise à l’OMC et en septembre le Conseil de l’Europe met fin à la procédure de suivi de la Croatie. Début octobre, le président yougoslave, Slobodan Milosevic, dont la politique belliciste a endeuillé l’ensemble de la région depuis plus de dix ans, est battu par Vojislav Kostunica et contraint de quitter le pouvoir.

Le 24 novembre, le Sommet de Zagreb, coprésidé par le président croate, Stjepan Mesic, et son homologue français, Jacques Chirac, président en exercice de l’UE, réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des Quinze et des pays de la région visés par le Processus de stabilisation et d’association, première étape vers leur intégration dans l’Union européenne. Il marque également pour la Croatie le lancement officiel des négociations sur l’ASA.

La Croatie s’est officiellement déclarée candidate, le 21 février 2003, à l’adhésion à l’Union européenne et le statut d’État candidat lui a été reconnu officiellement le 17 juin 2004. L’ouverture des négociations d’adhésion avait, toutefois, été retardée jusqu’au 3 octobre 2005 du fait de la coopération jugée insuffisante de la Croatie, avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), en ce qui concerne l’arrestation de l’ancien général Ante Gotovina finalement arrêté en décembre 2005. Le pays s’est aussi porté candidat à l’adhésion à l’OTAN.

La Croatie a obtenu, le 17 juin 2004, le statut de candidat à l’Union européenne et le Conseil de l’Union européenne a reconnu, le 3 octobre 2005, qu’elle remplissait l’ensemble des conditions pour lancer les négociations d’adhésion. Ceci n’a été possible qu’après que le gouvernement croate a accepté de mieux coopérer avec le TPIY. La Croatie est également membre de l’OTAN. Elle a par ailleurs obtenu au Sommet de Ouagadougou en novembre 2004 le statut d’observateur au sein de l’Organisation internationale de la francophonie, malgré le faible nombre de personnes parlant le français.

Le 27 décembre 2009, la Croatie entreprend une élection présidentielle. Les résultats sont connus le 10 janvier 2010, Ivo Josipović remporte le second tour avec 60,29 % des voix, contre le maire de Zagreb, Milan Bandić (39,71 %)10. Environ deux ans plus tard, aux élections législatives du 4 décembre 2011, une alliance de centre-gauche conduite par le Parti social-démocrate de Croatie (SDP) remporte la majorité absolue des sièges, permettant la nomination de Zoran Milanović comme président du gouvernement.

Le référendum du 22 janvier 20126 a donné le feu vert à l’intégration dans l’UE 7. Le traité d’adhésion que la Croatie a signé en décembre fut ratifié par chacun des vingt-sept États membres de l’UE, entérinant son intégration dans le bloc européen. La Croatie intègre l’Union le 1er juillet 2013. Elle envisage l’adhésion prochaine à l’euro, d’ici 2015.

Merci a Zvonimir